Blogtrotters 9e édition en Argentine – juin 2010 :
“HIJOS” – mémoire de la dictature argentine.
Ce projet a bénéficié de l’aide à l’écriture et au développement pour les contenus destinés spécifiquement à l’Internet – CNC Multimedia – Centre national du Cinéma et de l’image animé.
Présentation du projet
L’Argentine a connu l’une des pires dictatures d’Amérique du Sud. Avec la prise du pouvoir par les militaires, le 24 mars 1976, s’ouvre un épisode de terreur. Le régime de la junte va faire disparaître plus de 30 000 opposants dont on ne retrouvera, pour la plupart, même pas les corps. Durant cette effroyable purge, plus de 500 bébés nés en captivité seront enlevés à leur mère pour être donnés à des familles de militaires. Dans les années 90, les enfants de disparus décident de créer un mouvement : les Hijos, pour lutter contre l’oubli et le silence (accentué par les lois d’amnisties). Ils n’auront de cesse, aujourd’hui encore, de tout faire pour retrouver la trace de leurs parents.Alors que de nombreux procès s’ouvrent aujourd’hui en Argentine contre les anciens responsables du régime, nous sommes allés à la rencontre des Hijos en essayant de comprendre la nature de leur combat et prendre la mesure des enjeux de mémoire qui se jouent à travers eux. Ils ont été le fil conducteur de notre aventure numérique.
Durant tout notre voyage, nous avons profité de l’interaction avec les internautes pour enrichir notre démarche et élargir le sujet. Nous avons récolté de nombreux témoignages qui constituent une base pédagogique pour les jeunes générations.
Nos Objectifs
• Evoquer la situation des Hijos aujourd’hui et les enjeux de mémoire liés à la dictature
• Ouvrir une parenthèse multimedia autour d’un sujet pour susciter l’engagement.
• Expérimenter de nouveaux outils et de nouvelles plateformes, tournage de live avec le téléphone portable ou le laptop, Microbloguing via Twitter, géolocalisation du contenu générée sur google maps.
• Participer à la transmission de cette mémoire, en en laissant une trace sur le web.
Les principaux moments du tournage
La longue marche des Mères de la Place de mai
Nous étions le jeudi 10 juin 2010, à la Place de mai où se tient toutes les semaines depuis avril 1977 à 15h30, la ronde des “Mères de la Place de mai”. Ces dernières réclament depuis plus de 30 ans, la vérité sur leurs enfants enlevés par le régime militaire. Ce fur l’occasion pour nous d’échanger avec des participants sur place et de les interroger sur les raisons de leur présence.L’ESMA, centre de torture devenu lieu de mémoire
Nous sommes également passés à l’Escuela Superior de Mecánica de la Armada (école supérieure de mécanique de la Marine ou ESMA) , l’un des principaux centres de détention de la dictature. 5000 personnes passèrent par ce triste lieu avant d’être exécutées. Parmi elles, deux ressortissantes françaises, Léonie Duquet et Alice Domon. L’un des principaux tortionnaires de l’ESMA, Alfredo Astiz, est actuellement jugé dans la capitale pour ses crimes. L’ESMA a été et reste un endroit symbolique au centre d’enjeux de mémoires complexes. Il faudra attendre 2004, après une lutte acharnée, pour que le président Nestor Kirchner impose qu’on transforme l’ESMA en musée de la Mémoire dédié aux 30 000 disparus de la dictature.Le rôle de la justice : rendre crédibles, des témoignages incroyables
Nous avons rencontré Rodolfo Mattarollo, spécialiste en droit international, forcé à l’exil durant la dictature, qui travaille actuellement pour le sous-secrétariat aux droits de l’Homme du ministère de la justice. C’est grâce à des individus comme lui que l’Argentine recompose peu à peu son passé. Rodolfo Mattarollo considère que les procès sont essentiels au recouvrement de la mémoire et qu’ils ont pour rôle de “rendre crédible des faits incroyables”. Après un long hiver, on semble assister actuellement à un véritable printemps judiciaire – sept procès symboliques se tiennent aujourd’hui contre d’anciens responsables de la dictature. Avec beaucoup d’émotion, Rodolfo est revenu sur l’histoire de son ami Haroldo Conti, grand écrivain argentin des années 70, enlevé par le régime. IlLes disparus de l’église de Santa Cruz
Nous avons croisé Ana Maria Careaga, militante des droits de l’homme et victime de la dictature. Enlevée à l’âge de 16 ans, elle a perdu son beau-frère et sa mère, Esther Ballestrino de Careaga, une des fondatrices des Mères de la place de Mai, enlevée le 8 décembre 1977 à l’église Santa Cruz avec 12 autres personnes, dont les ressortissantes françaises Léonie Duquet et Alice Domon. Elles seront toutes torturées et jetées vivantes à la mer après avoir été dénoncées par Alfredo Astiz, actuellement jugé à Buenos Aires.Le Parc de la Mémoire, un cimetière sans morts
Nous étions au Parc de la Mémoire au nord de Buenos Aires, un lieu très impressionnant où des milliers de noms de disparus sont inscrits sur de grands murs. Eric Domergue, frère de disparu, nous a accompagnés durant notre visite. Il a consacré un site à la mémoire de son frère, Yves Domergues. Avec d’autres militants des droits de l’homme, il a également mis sur pieds un document sur les 18 disparus français, dont les noms sont présents au Mémorial.
Des ossements en quête de leur identité
L’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale (l’EAAF) travaille depuis 1984 à l’identification des restes humains de ceux qui sont disparus durant la dictature. Ils sont sollicités dans les différents procès d’anciens tortionnaires qui se tiennent actuellement à Buenos Aires. Nous avons eu la chance de pouvoir les rencontrer, de visiter leur laboratoire (en respectant certaines conditions) et de leur poser quelques questions sur leur travail. Nous remercions particulièrement Sofia Egana et Pablo Gallo pour leur accueil et leur disponibilité.Le tortionnaire Cavallo blogue son procès
Nous avons visité le CELS (Centre d’études juridiques et sociales), une organisation non-gouvernementale qui travaille depuis 1979 à la promotion et la protection des droits de l’homme en Argentine. Le CELS joue un rôle important dans les procès qui se tiennent actuellement à Buenos Aires contre d’anciens responsables de la dictature. L’organisation regroupe de nombreux avocats très actifs dans les différents processus judiciaires en cours. L’enquêtrice du CELS, Lorena Balardini, a accepté de nous faire visiter son organisation. Durant notre échange, elle nous a parlé de Ricardo Miguel Cavallo, un ancien tortionnaire de l’ESMA, accusé des pires crimes, et qui avec un cynisme ahurissant, blogue sa propagande durant son procès.Au procès des tortionnaires de l’ESMA
Nous étions au Tribunal fédéral de Buenos Aires où se tenait une audience sur les crimes commis par les militaires de l’ESMA. Nous avons eu la chance de croiser quelques instants Horacio Mendez Carreras, l’un des avocats des victimes françaises, lors d’une interruption de séance. Avec nous, dans le public, Ana-Maria Careaga, Lorena Balardini du Cels. Nous avons assisté à l’audition de deux victimes, émigrées au Mexique, qui racontaient leur calvaire, via video conférence, devant un Cavallo impassible.
La dictature vue par un proche de la junte militaire
Nous avons rencontré Juan Aberg Cobo, avocat et ami du tortionnaire Astiz. Il nous semblait important d’entendre ce que pouvait dire quelqu’un qui défend encore aujourd’hui la dictature militaire. Nous ne cautionnons évidemment pas ses propos, mais il révèle l’étendue du schisme qui existe entre une petite partie ultra conservatrice de l’Argentine et le reste du pays. L’entretien est resté courtois malgré le caractère choquant de certains propos (remise en cause du nombre de disparus ou de nouveaux-nés kidnappés par les militaires).Blogtrotters : Hijos, mémoire de la dictature argentine
Ce projet a aussi reçu le soutien du conseil général de Val de Marne, du Ministère de la Jeunesse, de Kodak France, de France24, et de Dailymotion.
Excellent projet! Have a good trip!
Vous pourrez bientot voyager plus léger ^^ L’équipement futur du Globetrotter
Ah on en rêve… ^^
Bonjour!. je vous félicite pour cette initiative! Malheureusement la France a été aussi complice avec la dictature argentine.. Il y a pas très longtemps j´ai vu le doc. « L´escadron de la mort: l´école française » …D´ici l´importance que les francais sache un peu plus sur cette période « noire » de cette partie de la terre..
D´ici, en argentine, je vous aiderais dans tout ce que je pourrais.
Bonne Chance!
Joan
Joan> Merci beaucoup ! Oui la France a sa part de responsabilité. On l’évoquera. Au plaisir de te croiser à Buenos Aires ! :)
Bonjour, c est incroyable mais il y a encore beaucoup de gens en Argentine qui n aiment pas les « méres ». Leurs argument c est que leurs enfants etaient des terroristes. Il y a aussi la polemique a propos des enfants de Herrera Noble, propietaire de plus grand medias argentin (Clarin), elle leurs auraient adopte pendant la dictature.
Sylvia> Merci pour ton mot. Nous allons essayer de parler des enfants de Herrera Noble et évoquer les blocages d’une partie de la société argentine face aux revendications des Mères et Grands-Mères de la Place de mai.
À très vite ! :)
Décidément, vous arrivez à un moment très chaud !
Le Monde.fr du 11 juin
http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/06/11/affaire-de-filiation-douloureuse-en-argentine_1371166_3232.html
@ Cyril : merci pour ton lien, dans les prochains jours nous essayerons d’évoquer l’affaire Noble-Clarin.